mercredi 8 février 2012

Il trovatore
G. Verdi


Représentation du 7 février 2012 - Théâtre du Capitole, Toulouse.


Une belle soirée haute en décibels et en émotion. J'ai retrouvé tous les airs, les duos et les ensembles très bien chantés avec un plateau de très belles voix, chacune correspondant bien au registre des rôles. Encore un très grand merci pour ce cadeau.
Je pense que Thérèse a aussi aimé, surtout la puissance des voix.

Une mise en scène déroutante, mais pas ininteressante. Le choix de la sobriété, du design et de la convention théâtrale. Finalement, un écrin pour que les personnages s'expriment et que la musique et les voix triomphent. en effet, quel besoin de recomposer le chateau du Comte avec du faux lierre, le camp des gitans avec des turbans de toutes les couleurs ou le couvent de la sainte Croix avec justement une Grande Croix...
Ici un sol en bois en pente, des colonnes en bois délimitants sur les cotés les coulisses et une toile de fond pour évoquer plus une ambiance qu'un décor.
Un jeu de couleur un peu simpliste avec les casques rouges pour les gitans et les bleus pour les gardes du comte de luna, à un moment j'ai vraiment eu l'impression de jouer au Playmobil avec Léopold, mais qu'importe c'est un théâtre de marionnettes qui vient nous raconter cette histoire.

J'ai trouvé dans les vidéos ci-dessous les mêmes voix que nous avons entendues hier soir, vu leur répertoire et leur parcours elles sont prestigieuses :

  • Manrico : Marco Berti
Voix de ténor puissante et large, néammoins quelques difficultés dans l'agileté et dans les piani, comme si la puissance de son coffre ne pouvait être contrôlée, j'avais envie de lui dire : "lâche tout, on a pas besoin de piano surtout quand Manrico chante depuis les coulisses",Un : "Di quella pira..." avec une note ultime convaincante,nous sommes vraiment au jeux du cirque...



  • Azucena : Luciana D'Intino
Certainement la voix que j'ai préférée hier soir. Un vrai mezzo verdien avec beaucoup de couleur et de variation, des graves parfois un peu poussés mais cela ne me gène pas, je la trouve : juste, dans ce registre et pour ce rôle. Une interprétation incarnée.

"Stride la vampa..." par Luciana d'Intino - décembre 2009 à Barcelone, même mise en scène qu'hier soir :


Et le duo qui suit entre Azucena et Manrico,

"Condotta ell'era in ceppi" (Acte II) - Luciana D'Intino (Azucena) - Marco Berti (Manrico)
Production Théâtre du Liceu et Théâtre du Capitole :



  • Leonora : Carmen Giannattasio
Une très belle voix pour un rôle très difficile. Très homogène du plas grave au plus aigu, avec une agileté dans les vocalises et les trilles pour les cabalettes : ces deux éléments étant difficile à réunir. j'aimerai pouvoir l'écouter dans des rôles complètement belcantiste de Donizetti ou de Rossini par exemple.

"Tacea la notte..." , avec la cabalette en concert, pas de vidéo d'elle dans cette production :



  • Il comte di Luna : Roberto Frontali
Baryton verdien à sa place, mais je ne l'ai pas trouvé bon dans son air "Il ballen ..." des piani laids, aigus à coté, trac ou tout simplement pas bien pour cette fois-ci, au regard de cette video qui le montre bien plus en forme :



















Encore une façon de partager avec toi cette très belle soirée d'opéra au Théâtre du Capitole à Toulouse.

Je t'embrasse,
Bernard,

















dimanche 5 février 2012

Le Trouvère

Il Trovatore (Le Trouvère)
de G. Verdi
(création à Rome le 19 janvier 1853)


Anna, "Il Trovatore" est un de mes opéras préférés parce qu'il est invraisemblable, héroïque, impossible à chanter, pompier et émouvant... un vrai grand opéra où il faut se jeter à corps perdu, sans réserve dans la jubilation des voix et de la musique, avec joie et naïveté.

Cela dit j'avais envie de te faire partager quelques émotions musicales. j'hésite à te raconter l'histoire, que j'ai mis une bonne dizaine d'année à comprendre, mais c'est peut-être aussi ce qui en fait sa force, car tout n'est qu'imbroglio jusqu'au 20 dernières secondes de l'opéra où Azucena la gitane nous révèle la clé de sa vengeance dans la dernière phrase du livret.

Trèfle de plaisanterie, passons tout de suite à l'ouverture de l'opéra, page de musique inoubliable puisqu'elle est absente! Une grande originalité pour l'époque, nous entrons directement dans le vif du sujet au chateau du Comte di Luna...


ACTE 1 - Le Duel :
 
C'est là où il faut tout bien suivre si on veut y comprendre quelques chose :
- Le Comte di Luna est tombé malade enfant suite à la soi disante malédiction d'une gitane, qui a été immédiatement arrêtée et brûlée sans autre forme de procès. La fille de cette gitane (Azucena) pour venger sa mère a enlevé le petit frère du comte di Luna encore bébé. Le lendemain on trouvera sur le bûcher encore tiède de la vieille gitane les restes calcinés d'un bébé. Cette gitane est recherchée depuis plus de 20 ans par les hommes du comte.
- Le Comte di Luna est amoureux fou de la belle Léonora (soprano verdienne par excellence)mais comme il est baryton, forcément Léonora ne lui rend pas son amour elle en pince pour un jeune trouvère : Manrico.un peu gitan, un peu mauvais garçon, qui joue bien la sérénade et qui est bien sûr ténor ( mais alors attention un ténor héroïque assez puissant qui ne fait pas dans la dentelle nous le verrons à l'oeuvre tout à l'heure ).
 - Jusqu'à là rien que de très normal, mais attention Manrico est aussi le fils d'Azucena, inutile de dire qu'entre le Comte et le Trouvère ça va chauffer sérieux !

Nous sommes dans le chateau du Comte di Luna, Léonore attend en secret le Trouvère qu'elle a croisé ( je ne sais plus où ) et sa scène d'entrée nous donne un aria d'une très grande beauté et surtout d'une très grande difficulté : "Tacea la notte placida..." .
La scène est construite sur un schéma bel cantiste classique :
  • récitatif : on plante le décor et on introduit l'aria
  • aria : air souvent lent qui expose l'amour de Léonore pour Mantico
  • cabalette : final éclatant de la scène, de tempo plus rapide, avec moult trilles et vocalises. Une tradition veut que cette cabalette soit reprise une deuxième fois avec variation. C'est là que l'on voit si le soprano a des c...
J'ai deux Léonore préférée Monserrat Caballé et Léontine Price, pour le premier air je te propose Léontine Price en enregistrement audio, la mise en scène n'a absolument aucun intérêt à ce moment.



Une très grande voix pour ce rôle.
Je t'ai rajouté en bonus, comment ne pas la nommer Maria Callas, bien sûr aussi, magnifique Léonore. Ici c'est un enregistrement de sa tournée à Mexico en 1950. On a une Maria Callas au plus haut de sa forme, voix puissante, trilles précises, et à la fin une piquante originalité elle ajoute un contre-mi absolument improbable compte tenu de la tessiture du rôle, qui n'est pas écrit mais que les directeurs de théâtre friands de spectacle lui demandait de rajouter quelquefois... un étrange souvenir.



Après cette déclaration d'amour de Léonore, on entend la voix du Trouvère au loin ( cela signifie que le ténor chante depuis les coulisses déjà un premier exploit ) Le comte di Luna arrive face à Léonore il comprend qu'elle est amoureuse de ce satanée trouvère, en plus un ténor et cela le rend fou de rage.
Manrico apparait, et se lance dans un duel violent avec le Comte ( d'où le nom du premier acte ). Cette affrontement éclate dans un trio mémorable où la voix de Léonore vient titiller les testostérones des deux mâles belliqueux.



( FIN DU PREMIER ACTE )



ACTE 2 - La gitane

Tableau 1 Le camp des bohémiens :
C'est le camp des gitans, comme il y a beaucoup de monde et que c'est très coloré Verdi nous a fait un choeur comme il en a seul le secret. Son de marteau et d'enclume, de la dentelle :



S'ensuit un discours d'Azucena ( Mezzo-soprano : toujours gâté par verdi !) dans son fabuleux air : "Stride la vampa..." chanté par Dolora Zajick, que j'ai vu dans ce même rôle à la halle aux grains...



souvenirs confus elle se rappelle de sa mère sur le bûcher, du frère du comte di Luna enlevé et d'un enfant jeté dans les flammes... Ô horreur, elle s'était trompée : c'était son propre enfant ! ( Tu as compris ...?! )
Elle sort de sa transe et rassure Manrico, en lui jurant qu'il est son fils.
Manrico a appris que Léonore désespérée (car elle pense qu'il est mort, elle est un peu tarte aussi ) va entrée au couvent. Il s'élance avec sa bande au Cloître de la croix pour la sauver des griffes de Dieu... non sans avoir effectué un superbe duo avec sa mère.

Tableau 2 : Le cloître de la croix :
Pendant ce temps le comte di Luna et sa garde se sont rendu au cloïtre pour enlever Léonore. Le comte attend seul dans la nuit, c'est donc le moment de chanter son air d'amoureux éconduit, suivi là aussi d'une cabalette où ce n'est plus de l'amour mais de la rage :



Léonore apparait avec un cortège de soeurs, au moment où elle va donner son coeur à Dieu le comte di Luna se précipite sur elle pour l'enlever, et Manrico et ses hommes surgissent ( d'on ne sais où...) pour aussi enlever Léonore. Un duel entre les deux hommes s'ébauchent et nous voilà rendu à la case départ.
Bon, Manrico prend finalement le dessus et emmène Léonore, ouf !

(FIN DU DEUXIEME ACTE )


ACTE 3 - La fille de la gitane

Tableau 1 : Le campement du comte di Luna près du chateau où s'est réfugié Manrico et Léonore.
Azucena à la recherche de son fils se fait prendre par les gardes du comte et est amené à Ferrando qui reconnait la gitane qui a enlevé et brulé le frère du comte elle est immédiatement emprisonnée.
Le comte jubile en arrêtant Azucena il est certain que Manrico fera tout pour la délivrer.
Mais enfin qu'est-ce que Azucena foutait dans le campement du comte... ( cela doit te mettre la puce à l'oreille... sa vengerance est en route!).

Tablerau 2 : Le chateau de Castellor, où Manrico et Léonore coule de douces heures (leurs dernières tu imagines) avant de s'unir.
Mais coup de théâtre on annonce à Manrico que sa mère a été capturé et emmené au chateau du comte di Luna. Son sang ne fait qu'un tour, il harrangue son armée pour aller délivrer Azucena. C'est le moment dont je te parlais où le ténor doit être plus qu'héroïque avec l'air : "Di quella pira" culminant sur un contre-ut final, non inscrit dans la partition mais que l'on ne pourrait aujourd'hui supprimer. Plus qu'une question de tradition une question de jouissance à l'écoute de cette note surhumaine, en apogée de la tension de l'opéra survolant le choeur et l'orchestre, la voici par Placido Domingo vrai ténor héroïque :



( FIN DU TROISIEME ACTE )


ACTE 4 - Le supplice

On sent bien que ça va mal finir!
Bien sûr Manrico a été défait par l'armée du comte et est emprisonné dans une tour du chateau.
La nuit au pied de sa prison Léonore vient chanter une dernière fois son amour, une sorte de prière aux étoiles... C'est pour moi le plus beau passage avec un des plus beaux airs de Verdi : "D'amor sull'ali di rose..."
Sans hésitation j'ai choisi Monserrat Caballé pour ses pianissimi... après cela il est difficile d'aller plus loin ! Tu peux écouter sans regarder tant la vidéo est tartignolle :



Il s'en suit une grande scène avec un miserere, immortalisée par Callas à Paris en 1958:



ainsi qu'une cabalette là encore pas piquée des vers "Tu vedrai..." chantée ici par Fiorenza Cedolins



Pour sauver Manrico, Léonore ne trouve rien de mieux que d'aller trouver le comte di Luna et de se donner à lui en échange de la liberté de Manrico. Elle dit en aparté au public : " il m'aura... mais morte!" et elle gobe une bonne dose d'arsenic cachée dans sa bague.

Elle va retrouver ensuite dans leur cellule Manrico et Azucena, et elle annonce à Manrico qu'il va vivre. Manrico comprend qu'elle s'est donnée au comte il la renie, mais Léonore expire dans ses bras...
Là dessus, le comte se voyant floué emmène Manrico et le tue sous les yeux de sa mère : Azucena qui se lève et s'écrie : "Elli era tu fratello... E vendicata Ô madre !"  -  "C'était ton frère... Tu es vengée Ô ma mère!"
Ecoute c'est absolument horriiiiiiiiiiiiiiible :




( FIN DU QUATRIEME ACTE )


Je crois qu'après tout ça on va aller s'en fumer une avec Thérèse !